mardi 14 juillet 2009

Xinjiang,

Zhang Lixia travaillait dans une banque, au Henan alors que Zhang Jiantao, son mari, ancien soldat passé par le Xinjiang, faisait du transport. Il a vendu son camion pour que tous les deux puissent s'installer à Urumqi en achetant une boutique de spiritueux et tabac, espérant vieillir paisiblement au Xinjiang. Ils y ont trouvé des gens "très chaleureux". Zhang Lixia déplore : "Nous pensions que Han et minorités s'entendaient vraiment bien. Maintenant tout a l'air dangereux".

Ce couple de Han n’a jamais eu l’impression de participer à la sinisation de la province et de détruire la culture ou la tradition des Ouïghours, majoritaires dans le Xinjiang. Pourtant, à lire la presse occidentale, à Urumqi en ce mois de juillet, la Chine a connu un nouvel épisode proche de celui de la Place Tian an men.

Le Xinjiang est une région autonome anciennement appelée dans les livres d’histoire le Turkestan oriental. Il représente 1/6° de la superficie de l’empire du milieu et compte environ 20 millions d’habitants. Depuis toujours, des volontés d’indépendance et de séparation ont vu le jour, et ce, bien avant la création de la république populaire de Chine. Depuis les années 1990, les tensions sont de plus en plus nombreuses, et après le 11-9, le Mouvement islamique du Turkestan oriental (ETIM) est classé par l’ONU dans les mouvements terroristes. 4 jours avant les JO de Beijing, un attentat à Kashgar, autre ville du Xinjiang fit une vingtaine de morts.

Une semaine avant les émeutes, une rumeur a enflé engendrant des bagarres entre Hans et Ouïghours. Dans une usine de Shaoguan, un bruit court disant que deux femmes Hans ont été violées par des Ouïghours. Des travailleurs Hans déclenchent des violences et, hélas, plusieurs victimes Ouïghours sont à déplorer.

Les autorités chinoises et Rebiya Kadeer, dissidente Ouïghoure en exil sont d’accord sur un point : ce fut le catalyseur des émeutes de Urumqi. Par incompétence ou retard délibéré, les enquêtes sur ces meurtres de Ouïghours ont tardé, il n’y a pas eu d’arrestations, pas de justice et la tension est montée, jusqu’aux émeutes. Quand elles ont éclaté, le monde entier s’en est emparé et la Presse Occidentale a immédiatement édité nombres de commentaires plus ou moins erronés. CNN fait paraître une photo d’un corps de Ouïghour délaissé à « Urumqi ». Cette photo est celle prise d’un téléphone portable dans l’usine de Shaoguan, une semaine avant, mais peu leur importe, l’essentiel est d’illustrer par du sang. Et tout le monde se jette subitement sur l’histoire du Xinjiang, parle de répression, de sinisation et de guerre ethnique entre les communautés. La machine s’emballe et chacun croit comprendre. Rebiya Kadeer annonce qu’un génocide est en place, et comme la source est occidentale, tout le monde la croit. Le PCC rectifie en annonçant que la plupart des morts sont Hans, mais personne ne le croit, car la source est Chinoise. Pourtant, suite à la leçon de Lhassa, Urumqi est ouverte aux medias étrangers et les morts Hans ne sont plus aujourd’hui contestées. Mais le mal est fait.

Le film s’écrit peu à peu, le Firewall est en place, la presse internationale commente alors que la presse Chinoise est muselée et les images qui filtrent par RCI sont « harmonisées ». Les cellulaires ne passent plus que difficilement. Mais le Net est le net et les messageries fonctionnent encore, certaines passent, des images, des vidéos des photos circulent loin des canaux de presse officiels qui, de toute façon, ne lisent pas le Mandarin.

Rebiya Kadeer expliquera qu’une manifestation pacifique demandant justice et en aucun cas séparatiste a eu lieu dans les rues de Urumqi et c’est la répression Han qui a déclenché le pire. La presse et « ceux qui savent » parleront d’affrontements ethniques très anciens mais oublieront de rappeler que des Huis comptent parmi les victimes, les Huis sont musulmans.

Pour mieux justifier, Rebiya Kadeer affirmera que des drapeaux de la République Populaire de Chine étaient en tête de cortège des Ouïghours pour bien montrer que rien n’était séparatiste. J’étais à ce moment là même en connexion avec Boxun et différentes messageries. Une vidéo prise d’une fenêtre d’un restaurant Han montrait le cortège des émeutiers bloquant l’avenue et détournant les voitures. Trois autres vidéos paraissaient au même moment avant de perdre la connexion. Sur aucune d’entre elle je n’ai vu de drapeaux, à aucun moment. J’ai envoyé ces vidéos à un plus qu’ami Français, et lui non plus ne les a pas vu, mais, évidemment, Beijing ment. Les photos affluaient par les messageries, des morts délaissés à même le sol.

Cette nuit là presque deux cents personnes ont trouvé la mort, les autorités locales ont repris le contrôle, à leur manière. Ce chiffre va augmenter un peu mais selon les témoins sans doute devrions-nous parler de 500. La plupart sont Hans. Les commerçants et les habitants de Urumqi racontent que des cortèges entiers ont déferlé sur les quartiers Hans, organisés et belliqueux, il s’agissait d’une émeute selon eux, pas d’une manifestation pacifique. Une vidéo montre un cortège très soudé et parfaitement encadré se dirigeant très rapidement vers le lieu prévu, toujours sans drapeaux.

La police anti-émeute a pris ses quartiers et a repris le contrôle, les images sont claires, pas de cadeau non plus de ce côté-là. J’étais en ligne avec un ami dont la sagesse et le calme me faisait du bien. Je lui disais que tout cela allait mal finir, dans un bain de sang. Il a alors comparé ces émeutes à d’autres intervenues en Russie et me disait qu’il y aurait toujours des tensions mais que cela se calmerait. Je me souviens lui avoir répondu : « Peut-être, mais les Chinois ne sont pas les Russes, les Hans ne vont pas laisser cela ainsi… ». Le lendemain, un cortège punitif de Hans se formait et se lançait dans la vengeance… Non les Chinois sont les Chinois…

Aujourd’hui encore, la presse occidentale fait des gorges chaudes du musellement de la presse interne par le PCC. Mes pauvres « spécialistes de la Chine vue de chez vous », c’est cette vengeance, cette rectification Han qu’ils voulaient éviter, mais comment l’auriez-vous compris ?

Rien n’est réglé aujourd’hui. Les Ouïghours se tuent entre eux et les Occidentaux ne comprennent plus. C’est la Haine, Messieurs, elle est en marche et ils ne parviennent même plus à se reconnaître entre eux, c’est aussi simple que cela. Je lis même aujourd’hui que le Président Hu Jintao aurait perdu la face en quittant le G8 dans un édito écrit…depuis Paris. Le Xinjiang est le plus important foyer de tensions sociales avec le Tibet, il représente 1/6 de la superficie du territoire et il menace de s’embraser : que vouliez-vous donc qu’il fasse ? Déjeuner avec ses collègues chefs d’état ? Gardons un minimum de sérieux.

Quand Rebiya Kadeer incite par internet la communauté Ouïghours du Xinjiang à faire quelque chose de grand, qu’il faut frapper fort et que quelques jours plus tard, les émeutes surviennent, il est trop facile de parler de la seule politique de Sinisation de cette Province et de prétendre que le PCC ment et muselle l’information.

Quand les autorités locales Hans mettent plus de quinze jours à agir pour punir les auteurs des meurtres de l’usine de Shaoguan en donnent ainsi l’impression de protéger ces derniers sous prétexte qu’ils sont Hans, il est trop facile de dire que les Ouïghours n’ont aucune raison d’être mécontents.

Quand les autorités de Beijing n’accompagnent pas l’augmentation de la population Han dans le Xinjiang qui est passée de 6% à 40% de la population totale par des mesures importantes de préservation des droits des populations Ouïghoures alors que la totalité de l’administration locale est Han, il est trop facile de se contenter de jeter la faute sur les pressions extérieures.

Mais quand les gens « bien informés » en France oublient l’essor économique, la scolarisation des enfants et les fonds investis par les Hans dans la région pour s’y installer, il est beaucoup trop facile de ne parler que de difficultés « ethniques » en oubliant les paroles de Rebiya Kadeer qui, juste après avoir affirmé ne pas faire de pression séparatiste fait du lobbying auprès des Etats-Unis pour qu’ils implantent un consulat dans la région autonome.

Mais tout cela est écrit en pure perte, je devrais le savoir, qui connait mieux la Chine que ceux qui n’y ont jamais mis les pieds et cherchent toujours un Alphabet Mandarin sur Internet ?

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